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History

Les Barbares au crépuscule de l’Empire romain d’Occident

Si les chrétiens des premiers siècles s’aventurent à l’évangélisation de l’empire, le christianisme ne s’impose à l’empire romain officiellement que progressivement à partir du IVe siècle. C’est à partir du règne de Constantin Ier qui se convertit au christianisme, jusqu’au règne de l’empereur Théodose Ier, qui fixe le christianisme comme religion d’État en 381 avec l’édit de Thessalonique.

Jusque-là, et malgré divers édits de tolérance religieuse, les persécutions ont empêché les chrétiens de définir clairement une doctrine cohérente. C’est pour permettre une harmonisation théologique et dogmatique que l’empereur Constantin Ier organise un concile à Nicée en 325. Il en résulte une dissension liée au débat trinitaire qui favorise deux concepts différents : l’église conciliaire prône l’égalité entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint ; l’arianisme, jugé hérétique par les conciliaires, prône l’infériorité du Fils, considéré comme une créature de Dieu, par rapport au Père. En niant la nature divine du Christ et en le réduisant à l’état de créature, les ariens font du Messie un être doté de pouvoirs extraordinaires mais qui n’est ni un homme ni Dieu.

Les grandes invasions et la chute de l’Empire romain ont permis l’installation durable de royaumes barbares dans l’empire et notamment en Gaule. Les barbares, généralement d’origine germanique, sont restés païens du fait de leur faible romanisation. Mis à part le court aparté de l’occupation romaine de la Germanie sous Auguste de 9 av. J.-C. à 12, l’empire ne possède que deux provinces en Germanie : la Germanie supérieure et la Germanie inférieure.

Pour contenir les barbares, les Romains tentent de les fédérer à l’empire en établissant des traités de paix (fœdus) où les barbares se voient concéder des territoires, développent le commerce avec Rome, payent des impôts et fournissent des soldats, faisant avancer l’influence romaine. Les peuples les plus romanisés adoptent le christianisme tel les Burgondes, Ostrogoths, Vandales et surtout les Wisigoths mais dans sa version arienne.

L’afflux de peuples « barbares » plus ou moins romanisés ébranle l’unité que le christianisme avait dans l’empire, et en Gaule, l’établissement de royaumes barbares, soit païens soit ariens, fait décliner l’obédience conciliaire fidèle aux dogmes de Chalcédoine, de Constantinople et de Nicée.

Les Francs constituent une ligue de peuple germanique qui, bien qu’ayant établi un fœdus avec l’empire, sont restés païens. Ils partagent avec les autres tribus de Germanie le culte des Ases desquels les familles royales sont censées descendre. De ce fait, les rois barbares ont une origine sacrée faisant d’eux à la fois des chefs de guerre mais aussi des détenteurs d’un pouvoir spirituel. Aussi, lorsqu’un chef « barbare » se tourne vers le christianisme pour tenter un rapprochement avec les populations autochtones romanisées, il opte plutôt pour l’arianisme, qui permet au roi de s’identifier au Christ surhomme et de devenir le chef de l’Église, et ainsi de conserver son pouvoir religieux. Le roi barbare concentre ainsi les pouvoirs de chef de guerre (ou roi d’armée : heerkönig), chef d’État et chef de l’Église entre ses mains, provoquant un césaro-papisme. Au contraire, l’église conciliaire prône le partage des pouvoirs entre le roi, laïc, détenteur du pouvoir temporel, et le pape, pontife supérieur, détenteur du pouvoir spirituel pour l’Occident.

Dans toutes les terres d’empire barbarisées, les ethnies germaines dominantes ne représentent qu’une mince proportion de la population, détentrice du pouvoir militaire. Elles doivent composer conflictuellement avec l’aristocratie foncière issue de la décomposition de la société impériale, souvent parée des honneurs sénatoriaux, et qui maîtrise notamment la levée des impôts mais aussi le maniement du droit.

La chute de l’Empire romain d’Occident en 476 ne signifie pas pour autant que l’«Empire romain» tout court ait disparu : son ossature administrative subsiste tant bien que mal. Et si diverses dynasties barbares se partagent la majeure partie de l’ancien empire d’Occident, les zones qu’elles ne contrôlent pas relèvent,­ quoique de manière seulement théorique, ­de l’autorité de l’empereur de Constantinople (c’est le cas de l’ancienne province de Belgique seconde, où Clovis commencera ses exploits). Même si l’empereur d’Orient n’a pas les moyens d’intervenir concrètement dans la partie occidentale de l’empire, il n’en demeure pas moins la vraie superpuissance de l’époque. Anastase (qui règne de 491 à 518) sera pour Clovis un allié discret mais efficace.

Quoique indépendants dans les faits, les rois barbares reconnaissent la suréminence symbolique de l’autorité impériale, à l’exception des Wisigoths qui occupent l’«Aquitaine» (soit l’actuelle France entre Loire et Rhône et la plus grande partie de l’Espagne) d’une main de fer et qui ne font aucune effort pour tenter un rapprochement avec les Gallo-romains q’ils dominent. Leurs cousins Ostrogoths qui règnent en Italie et en Dalmatie sous la direction de Théodoric le Grand avec Ravenne pour capitale, perpétuent par ailleurs tous les caractères de la civilisation romaine tardive. Les deux autres royaumes barbares sont celui des Burgondes (d’Auxerre et le plateau de Langres jusqu’à la Durance, avec un bon bout de Suisse et le contrôle des cols alpins) et les Vandales (le nord du Maghreb).